Economie circulaire dans la construction : enclenchons la véritable transformation de nos modèles

Le secteur du bâtiment génère annuellement environ 44 millions de tonnes de déchets , soit une fois et demie la production de déchets ménagers des Français. Mais, selon le Ministère de la Transition Ecologique, seuls 60 à 80% des déchets issus de la construction sont actuellement valorisés. 
Pour donner un coup d’accélérateur décisif au recyclage de ces matériaux, une évolution majeure intervient en 2023. Les professionnels du secteur du bâtiment bénéficient désormais de la reprise progressivement sans frais de leurs déchets triés, financée par des éco-organismes agréés via une éco-contribution sur les produits mis sur le marché. 
Nous ne pouvons que nous féliciter de la mise en place ce dispositif, qui va dans le sens de l’histoire. Préserver les ressources, protéger notre environnement, dynamiser le développement économique et industriel des territoires, créer des emplois non-délocalisables, réduire les déchets et le gaspillage : l’économie circulaire constitue une réponse efficace et compétitive aux enjeux contemporains auxquels nous sommes collectivement confrontés. 
Mais, le chemin vertueux que représente la massification de la circularisation de l’économie dépasse le seul secteur du bâtiment : les travaux publics ont aussi un rôle majeur à jouer. Dans ce secteur, la revalorisation des matériaux de construction est déjà une pratique relativement avancée, puisque, selon le Ministère de l’Ecologie, 76% des déchets inertes (béton, tuiles, briques, agrégats d’enrobés, déblais…) issus des chantiers de travaux publics sont directement valorisés ou réutilisés. 

Ancrer l’économie circulaire dans les pratiques des professionnels
Cependant, par l’importance des volumes de matériaux utilisés dans le BTP, les marges de progrès en matière de recyclage apparaissent énormes. Pour enclencher cette transition sur le terrain, il s’agit désormais de faire évoluer les perceptions et les comportements, en pensant cette transition avec méthode, pour s’attaquer à plusieurs freins. 
Premier constat, l’utilisation de matériaux recyclés n’est pas encore totalement entrée dans les mœurs. Il apparaît fondamental de changer de regard sur les produits issus de l’économie circulaire, qui, en ce qui concerne les matériaux de construction, offrent rigoureusement les mêmes garanties en termes de qualité et de traçabilité. Les donneurs d’ordres publics, mais aussi privés, ont ici un rôle de prescripteur à jouer, en intégrant dans leurs appels d’offres des dispositions visant à exiger d’y recourir.
Ensuite, nous devons tout faire pour que les acteurs de la construction ne considèrent pas l’économie circulaire comme une énième contrainte, mais, au contraire, comme une opportunité. 
Le recyclage des déchets de construction ne pourra prendre son essor que si nous arrivons à mailler efficacement le territoire, en mettant à la disposition des professionnels des plateformes de traitement de proximité : accessibles pour faire gagner du temps et des kilomètres, gratuites et avec des procédures simples, technologiques et digitales pour leur faciliter la vie. Au-delà du dépôt de déchets inertes, ces sites doivent offrir la possibilité d’acheter en même temps des matériaux recyclés, dans une logique de circuit court. 
Afin de répondre à ce besoin, Colas vient par exemple de se doter d’un réseau de plateformes d’économie circulaire composé de 160 sites d’accueil des déchets, répartis sur tout le territoire français, qui permettront d’augmenter significativement la production de matériaux recyclés destinés aux chantiers du BTP. 

Un moyen efficace de lutter contre les dépôts sauvages
Pour autant, les acteurs privés ne détiennent qu’une partie de la solution. Il s’avère indispensable que les collectivités territoriales nouent des relations de partenariats avec les entreprises et les éco-organismes amenés à faire vivre le dispositif sur le terrain, notamment en proposant du foncier à des prix mesurés, pour favoriser l’implantation de nouveaux sites. Activité à faible marge, le recyclage ne pourra vraiment décoller qu’à cette condition. 
L’intérêt général a tout à y gagner. Les plateformes mises à la disposition des professionnels apportent en effet une solution pour lutter contre les dépôts sauvages, qui laissent, dans de nombreux cas, les collectivités territoriales démunies. De façon indirecte, donner une seconde vie aux déchets de construction soulagera aussi les déchetteries municipales, actuellement très sollicitées par les PME du secteur. 
Le recyclage permet de préserver l’environnement, en limitant la pression sur les carrières pour l’extraction de matières premières, mais aussi en rendant certains matériaux plus facilement disponibles dans des régions pauvres en ressources naturelles et obligées, de fait, de dégrader leur bilan carbone pour acheminer les produits manquants. 

Tout se joue maintenant 
Nous en avons la profonde conviction, si nous changeons en profondeur les mentalités, l’économie circulaire peut transformer radicalement le modèle de notre secteur et son impact sur la planète, en jouant un rôle moteur pour préserver nos ressources naturelles et le climat. 
L’application de la responsabilité élargie des producteurs (REP) aux produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) au 1er mai, promue par la loi AGEC (anti-gaspillage et économie circulaire) de 2020, constitue une occasion unique dont il faut nous saisir collectivement. 
 

Tribune de Thierry Méline, Président de Colas France, parue le 16 juin sur le site du Monde